ABC/ABM, un outil décisionnel moderne pour l'hôpital.

Application au processus de stérilisation

Philippe Rabiller * - Alain Bouillit-Chabert ** - René Masseyeff ***

* consultant indépendant, collaborateur société Metch - Nice.

** pharmacien chef de service stérilisation – CAMSP, Centre Hospitalier Intercommunal de Toulon La Seyne sur Mer – 1208, av. du Colonel Picot – 83 000 Toulon.

*** médecin consultant, société Metch.

Face à l’évolution rapide de leur environnement, les décideurs hospitaliers ont besoin d’un outil leur permettant d’apprécier en temps réel les effets de leurs décisions sur l’efficience de l’organisation dont ils sont responsables. La comptabilité et le management par activité (ABC/ABM) est un concept qui comble les lacunes des outils traditionnels que sont la comptabilité analytique et le PMSI dans la recherche de la causalité des coûts. Les auteurs présentent ce concept au travers de l’exemple du processus de stérilisation.

1 Problématique et concepts

Un besoin d'informations à satisfaire.

Réduction des dépenses, nouvelles contraintes réglementaires : face à l'évolution rapide de leur environnement, les responsables hospitaliers sont conduits à prendre des décisions de plus en plus vite et dont les conséquences budgétaires sont souvent très importantes. De ce fait, ils ont besoin de prévoir, puis de contrôler les effets de leurs décisions sur les coûts de revient des prestations hospitalières et de l'organisation mise en place pour les produire. La version expérimentale du référentiel d'accréditation de l’ANAES prévoit d’ailleurs explicitement la connaissance des coûts des secteurs d'activité par les responsables concernés.

Une comptabilité de gestion inadaptée à la problématique.

La comptabilité analytique traditionnelle, dite méthode des centres d'analyse, devrait en être l’instrument privilégié. Mais pour diverses raisons, que nous abordons maintenant, elle se montre insuffisamment adaptée à la gestion d’une organisation moderne. Rappelons-en brièvement les principes (Figure 1). La finalité de la comptabilité analytique est le calcul du coût de revient des prestations hospitalières. Pour ce faire, les charges directes de l'établissement sont successivement imputées aux différents coûts des prestations. Les charges indirectes, elles, doivent faire l'objet d'une analyse préalablement à leur affectation.

Figure 1 : le modèle de la comptabilité analytique traditionnelle

 

Le problème est que ce modèle a été élaboré au début du siècle pour répondre aux besoins de la production industrielle de masse dont les charges directes étaient largement majoritaires et facilement identifiables. Tel n'est pas le cas des entreprises actuelles et encore moins des établissements de santé qui réalisent une gamme très large de prestations de services et dont les charges de structure et de soutien sont très importantes.

La fiabilité du mode de répartition des charges indirectes est fortement contestée. Dès lors, le responsable hospitalier risque de baser ses décisions sur un coût de revient erroné. Autre inconvénient : cette méthode traditionnelle renseigne insuffisamment sur la structure des coûts et encore moins sur leur origine et leurs causes, alors que c'est justement ce que recherchent les managers dans une démarche d'optimisation.

Un autre instrument d’analyse des coûts des établissements de santé est le PMSI. L’activité des établissements est valorisée en ISA selon les Groupes Homogènes de Malades traités. La fonction première du PMSI est l’élimination des disparités budgétaires régionales par le rapprochement entre le coût de l’ISA régional et le coût de l’ISA de chaque établissement de la région. Progressivement, les établissements seront en mesure de comparer leurs coûts avec ceux de la base nationale et de se positionner, à activité comparable, les uns par rapport aux autres. Un établissement peut constater ses écarts pour chaque poste de dépenses. Le PMSI constitue ainsi un bon indicateur de dysfonctionnement. Mais pour identifier la nature des améliorations à apporter, il faut lui adjoindre un outil d’analyse plus fin. Pas plus que la comptabilité analytique traditionnelle, sur laquelle il s’appuie pour le calcul du coût de référence des GHM, le PMSI ne permet de connaître l’origine des coûts des divers processus hospitaliers.

ABC / ABM, une approche centrée sur les métiers.

Pour répondre aux besoins spécifiques des entreprises actuelles et notamment des prestataires de services, une nouvelle méthode de comptabilité de gestion est apparue aux Etats Unis dans les années 80 : la comptabilité par activité dénommée " activity based costing ". Comme le nom de cette méthode l’indique, l’unité d’investigation est l’activité. Une activité est définie comme un ensemble de tâches élémentaires, réalisées par un individu ou un groupe faisant appel à un savoir-faire spécifique. Les activités sont :

En pratique, une activité est définie par un verbe et un complément, langage simple et accessible à tous, ce qui n’est pas un des moindres attraits de la méthode. Par exemple : " prescrire un traitement ", " administrer un médicament ", " faire un prélèvement " etc. Les activités sont organisées en processus, qui constituent le fondement de l’organisation hospitalière, comme de toute organisation d’ailleurs. Le coût de chaque processus est la somme des coûts de ses activités. (Figure 2). Cette introduction de la notion d'activité permet de connaître le niveau de performance économique de l'organisation et réduit de façon drastique l’approximation habituelle sur l’imputation des charges indirectes.

Figure 2 : modèle ABC

 

Mais la réflexion ne s'arrête pas là. En effet, cette méthode est indissociable de son utilisation managériale, dite management des activités ou ABM. Concrètement, cela consiste à typer les activités selon leur nature : principale ou de soutien, selon leur coût, leur valeur ajoutée, les risques, les opportunités d'amélioration ou selon tout autre facteur que l’établissement chercherait à maîtriser. ABM s’appuie sur l’analyse économique réalisée par ABC et ajoute aux coûts les autres dimensions de la performance. Le logiciel ProcessMap™, utilisé par les auteurs, fournit automatiquement des matrices d’orientation pour l'aide à la décision à partir de la typologie des activités.

 

2 Méthode

Pour illustrer la méthode, nous présentons le travail effectué sur le processus de stérilisation de l’hôpital de Font-Pré, un des établissements du Centre Intercommunal de Toulon – La Seyne sur Mer dans le Var pour la période comptable de 1997.

2.1 Choisir les objets de coûts.

Le contrôle de gestion doit être conçu pour répondre aux besoins d’information des décideurs, besoins qu’il convient d’identifier. Cela consiste à définir les objets de coûts, c'est à dire ce qui fait l'objet final de l'analyse, par exemple : les produits, les services, les clients, les fournisseurs, les marchés etc. Au cours de cette étude sur la stérilisation, la réflexion sur le choix des objets de coûts les plus pertinents s’est structurée autour de quatre préoccupations du pharmacien chef de service :

  1. Maîtriser et améliorer le processus de stérilisation.
    La démarche qualité mise en place sur le processus implique une optimisation des coûts de fonctionnement. Le décideur doit pouvoir connaître les conséquences d’un changement d’organisation au niveau du processus dans son ensemble mais aussi au niveau de chacune des activités le constituant. Cela passe par la connaissance du coût de chaque activité. Cette information, combinée aux résultats opérationnels : productivité, erreurs, retards, pertes, casse etc. permet d’apprécier l'efficience du processus.
  2. Définir la politique d'achat de son service.
    Cela consiste à pouvoir choisir objectivement entre le fait de stériliser soi-même et d’acheter des produits prêts à l’usage, sachant que le choix aura forcément une incidence sur le taux d’usage des ressources humaines et matérielles ().
  3. Fixer le prix pour la sous-traitance.
    Face à la multiplication des contraintes réglementaires et à la lourdeur des investissements, des établissements de soins de plus petite taille souhaitent confier tout ou partie de leurs travaux de stérilisation à l’hôpital dans le respect de la réglementation en vigueur (). Il faut donc déterminer un prix de facturation.
  4. Analyser les propositions concurrentielles.
    A l’instar de la sous-traitance par les grands centres hospitaliers, certaines sociétés envisagent de proposer aux établissements de santé publics et privés d’un même secteur sanitaire de prendre en charge la stérilisation. Leurs propositions seront-elles vraiment intéressantes ?

Face à ces préoccupations, quels objets de coût doit-on choisir ?

Trois possibilités s'offraient au chef de service (Figure 4) :

La gamme ventilation comprend les circuits de respirateurs, ballons, masques et accessoires.

La gamme lavage manuel comprend du matériel immergeable et du matériel non immergeable.

La gamme textile comprend le linge opératoire, ainsi que les articles individuels destinés à la pédiatrie, aux services d’endoscopie etc.

La gamme article à usage unique est composée de produits non recyclables (boules de coton, pansement vulvaire, bandes velpeau…).

 

Figure 4 : les objets de coûts potentiels

Par rapport à la problématique du chef de service, les gammes se révèlent être les objets de coût les plus adaptés. La connaissance du coût de revient par gamme va permettre au décideur de définir sa politique d’achat, d’établir une grille de facturation pour la sous-traitance et d’analyser objectivement les offres des prestataires privés. La démarche impliquant obligatoirement le calcul du coût des activités du processus, nous répondrons en même temps à la préoccupation organisationnelle.

Dans notre cas, il n’apparaît pas nécessaire ici de rechercher un niveau de détail plus important en calculant précisément le coût de revient par produit ou par article ; niveau qu’il est toujours possible d’atteindre par la suite à partir du modèle mis en place. Le choix entre l’autoclavable et l’usage unique ne concerne pas un produit en particulier mais une ou plusieurs gammes pour que la décision ait une incidence réelle sur le taux d’usage des ressources humaines et matérielles. La méthode ABC/ABM veut coller aux besoins du décideur et non l’encombrer avec des informations qui ne lui sont pas nécessaires.

La seule information jusqu’ici disponible était le coût par cycle d’autoclave, obtenu à partir des données fournies par les services comptables (Tableau 1). Si cette information pouvait effectivement permettre de suivre la performance globale du service ou de la comparer avec celle d’autres établissements, il était impossible d’identifier les causes des variations. De plus, les autres besoins ne pouvaient absolument pas être satisfaits. Enfin, nous allons le voir plus loin, le budget du service était substantiellement sous-estimé.

Tableau 1 : coût par cycle d'autoclave

2.2 Modéliser le processus

Le travail suivant, après le choix de l'objet de coût, est de modéliser le processus. Cela va consister à identifier les différentes activités du processus de stérilisation. C'est en effet au niveau de l'activité que se forment les coûts. Ces derniers dépendent directement de la façon dont le travail est organisé et de la qualité des résultats obtenus. Ainsi, l'existence de dysfonctionnements viendra à coup sûr grever le coût de revient de la gamme. A l’instar du PMSI qui considère des groupes homogènes de malades (), il convient de distinguer des activités homogènes quant à leur composition (tâches et opérations), donc leur coût.

En s’inspirant du modèle de la chaîne de valeur de Michael Porter (), on distingue les activités principales qui participent directement à la stérilisation et les activités de soutien qui viennent en support des principales afin de permettre ou de faciliter leur réalisation ou d’en améliorer, ou contrôler les performances.

Cette prise en compte des activités de soutien est un élément original de la méthode ABC/ABM. On considère que ces activités sont susceptibles d’être créatrices de valeur ajoutée pour le client ou l’entreprise et doivent à ce titre, être aussi bien maîtrisées que les activités principales alors que les méthodes traditionnelles tendent à les imputer en tant que charges indirectes sans plus d’analyse.

L’identification des activités nécessite une phase d’observation du terrain dont l’avantage est de rapprocher les contrôleurs de gestion des opérationnels.

Le chef de service, avec son équipe, a identifié les activités suivantes (Figure 5).

Figure 5 : les activités du processus de stérilisation

Compte tenu de l’exigence d’homogénéité des activités, nous aurions pu détailler certaines activités de notre étude telle que Nettoyer articles en Nettoyer en machine et Nettoyer à la main. Cela aurait nécessité un travail plus important qui n’était pas nécessaire au regard de nos objectifs. Des simulations ultérieures nous ont d’ailleurs permis de constater que l’incidence de cette décision était peu significative en terme de coût.

Le processus a été modélisé sous forme de logigramme grâce à ProcessMap (Figure 6).

Figure 6 : modélisation du processus avec ProcessMapTM

On constate dans la Figure 6 que de nouvelles activités ont été représentées.

L’activité Valider produits a été rajoutée afin de pouvoir simuler des scénarios et évaluer automatiquement l’impact économique d’un problème de stérilisation, ce que le logiciel permet de faire automatiquement.

L’activité Stocker produits est réalisée dans les unités de soins par le personnel soignant. Le service de stérilisation n’est pas impliqué économiquement dans cette activité mais sa responsabilité est engagée (voir Contrôler stocks)

L’activité Contrôler stocks n’était pas mise en œuvre en 1997, période de référence de l’étude. Le service de stérilisation est responsable de la qualité du produit fini. Cette responsabilité ne s’arrête pas aux locaux de la stérilisation. Le service contrôle aujourd’hui les conditions de stockage des produits stériles dans les unités de soins.

L’activité Réaliser des audits internes n’était également pas mise en œuvre en 1997. C’est aujourd’hui une des exigences de la politique qualité du service.

Chaque activité se caractérise par sa finalité, unique, et par son unité de mesure d’activité, dite UMA ou Activity Driver en anglais. L’UMA correspond à l’unité d’œuvre de la comptabilité analytique traditionnelle.

Mais alors que l’unité d’œuvre ne reflète qu’une corrélation au sens statistique du terme avec l’évolution de la charge à imputer, c’est une relation de cause à effet entre l’unité de mesure d’activité et la variation du volume de l’activité que l’on va rechercher. Dans le contexte des centres d’analyse, nous sommes dans une logique d’imputation des charges alors qu’ABC implique une logique d’élaboration progressive des coûts sur la base de l’étude des causalités.

En pratique, unité d’œuvre et unité de mesure d’activité se confondent souvent, ce qui incite de nombreux professionnels de l’ABC à ne retenir que le terme d’unité d’œuvre pour conserver la terminologie classique des contrôleurs de gestion.

Le Tableau 3 présente les UMA des activités du processus de stérilisation de l’hôpital. Le nombre d’UMA a été estimé par le chef de service à défaut de pouvoir être mesuré faute de l’existence d’un système d’enregistrement des activités avant la réalisation de l’étude ABC.

Tableau 3 : Unités de mesure d’activité

Activité

Unités de mesure d’activité

… en 1997

Décontaminer articles nombre d’articles décontaminés 394 400
Réceptionner articles nombre d’articles réceptionnés 394 400
Nettoyer articles nombre d’articles nettoyés 394 400
Conditionner produits nombre de produits conditionnés 295 000
Stériliser produits nombre de produits stérilisés 300 000
Délivrer produits nombre de produits délivrés 300 000
Entretenir surfaces nombre de m² de surfaces entretenus 338
Manager équipe effectif managé 16,8

2.3 Valoriser les activités

Le calcul du coût de revient par gamme nécessite de connaître le coût des activités qui contribuent à la réalisation de la prestation de service.

Valoriser les activités consiste à identifier le plus précisément possible les ressources consommées par elles. Ce travail se fait en collaboration étroite avec le chef de service qui connaît les ressources du service et avec le comptable qui connaît leur coût.

Chaque ressource a un coût composé de plusieurs charges identifiées dans la comptabilité générale. Tout le problème est de n'en oublier aucune. Par exemple, un autoclave est une ressource supportant une dotation aux amortissements, des charges de maintenance, de réparation, d'électricité, d'eau, d'assurance etc. Ce sont les soldes des comptes de charges et l’inventaire du service qui ont fourni les données nécessaires. Il restait à affecter les ressources aux activités et pour cela, il était absolument nécessaire de retourner sur le terrain. Cela a été l’occasion de mettre à jour le système d’information.

On a découvert ainsi que l’inventaire comportait quelques erreurs : immobilisations mises au rebut mais encore référencées.

On s’est aperçu que les postes de praticiens n’étaient pas imputés au service, réduisant artificiellement le coût de la stérilisation.

On a découvert aussi que les travaux réalisés par des prestataires internes de l’hôpital (maintenance bio-médicale par ex.) n’étaient que partiellement facturés au service.

Certains coûts étaient minimisés. Ainsi, les immobilisations sont valorisées au montant de la dotation de l’exercice comme l’exige la réglementation comptable. Mais cette pratique diminue le coût de la stérilisation quand la valeur résiduelle des investissements baisse et interdit ainsi toute comparaison dans le temps ou avec d’autres établissements.

Et bien entendu, on a constaté enfin, mais ce n’était pas une découverte, que le plan comptable n’était absolument pas formaté pour l’ABC. Chaque opération comptable enregistrée devrait pouvoir être codée en fonction de l’activité à laquelle elle correspond afin d’éviter un retraitement ultérieur toujours plus long.

Le résultat de la valorisation des activités est visualisé par la Figure 8.

 

Figure 8 : coût des activités du processus de stérilisation

Le Tableau 5 présente le coût des activités et le coût unitaire des UMA.

Tableau 5 : coût par UMA

Ces opérations de valorisation ont apporté au chef de service un certain nombre d’informations supplémentaires caractéristiques de la méthode ABC : - Le budget réel du service (5 252 KF) est supérieur de presque 16 % au budget figurant dans le rapport d’activité (4 532KF). Cette différence s’explique par les corrections évoquées précédemment.

- Une analyse économique et financière pourrait éclairer les choix en matière de stratégie d’investissement, notamment pour les autoclaves dont les coûts de maintenance sont importants : presque 26 % du coût de l’activité Stériliser produits ().

- Le calcul met en évidence l’importance de l’activité Conditionner produits. En allant plus en détail dans la structure des coûts, on constate que le poids des ressources humaines (très lourd en valeur) n’est pas le seul élément déterminant, puisqu’il ne représente " que " 55% alors qu’il pèse 95 % dans l’activité Réceptionner articles. 30% du coût de l’activité est dû aux consommables (emballages etc.). A partir de cela, des actions pourront être menées relatives à l’ergonomie des postes de travail et à la lutte contre les gaspillages.

- Le poids de l’activité Manager est lui aussi loin d’être négligeable. Les entreprises privées n’ont pas attendu pour aplatir leur organigramme. Il sera intéressant de se pencher sur la valeur ajoutée des postes d’encadrement.

Ces informations vont être utilisées par le chef de service pour définir les actions à mettre en œuvre dans le cadre du management des activités du processus de stérilisation (ABM).

 

2.4 Valoriser les produits

Dans la logique de l’ABC, les produits (dans notre cas les gammes), consomment les activités. Mais, selon les gammes, cette consommation ne se fait pas toujours de la même façon. En pratique, il s’agit de déterminer comment les unités de mesure d’activité (UMA) vont être affectées aux gammes. L’observation du terrain se révèle une fois de plus décisive ce qui finit de démontrer, si besoin était, qu’en utilisant ABC, on rapproche acteurs et contrôleurs de gestion au bénéfice d’une information plus fiable.

Pour les activités principales, les UMA sont affectées aux gammes selon le nombre d’articles ou de produits traités par les activités.

La répartition des UMA des activités de soutien mérite quelques commentaires.

Les UMA de l’activité Manager sont distribuées selon l’effectif managé. Le temps de travail consacré aux gammes étant connu, la répartition ne pose pas de problème particulier.

Les UMA de l’activité Entretenir surfaces sont distribuées au prorata de la surface utilisée par les gammes. Dans notre cas, cette surface ne dépend pas du volume de la gamme. L’entretien des surfaces est le même, que la gamme comporte 600 produits comme la gamme matériel de ventilation ou qu’elle en comporte 65 100 comme la gamme biberonnerie. Cela correspond tout à fait aux exigences des protocoles d’hygiène. A l'extrême, le traitement par le service d’un seul article nécessiterait l’entretien de toutes les surfaces du service.

Les activités récentes devront être intégrées dans le modèle. Ainsi l’UMA de l’activité Réaliser des audits internes est le nombre de procédures contrôlées. Comment les gammes vont-elle consommer cette activité ? L’activité ne dépendant pas du volume d’articles ou de produits traités, la répartition des UMA de cette activité se fera proportionnellement au nombre de gammes concernées par les activités soumises à procédure.

Le Tableau 7 présente la répartition des UMA entre les gammes.

Tableau 7 : répartition des UMA entre les gammes

Le coût unitaire par UMA étant connu, le calcul du coût de revient par gammes après répartition des UMA est une formalité. ABC permet ainsi de bien visualiser l’élaboration progressive des coûts de chaque gamme. (Tableau 9).

Tableau 9 : coût de revient par gamme

On constate le poids important de l’activité Entretenir surfaces qui grève les gammes peu volumineuses (matériel de ventilation, verrerie). Ce simple fait justifie amplement le suivi des activités de soutien qu’implique la méthode ABC. Suivi que l’on n’aurait jamais pu réaliser avec une méthode traditionnelle dans laquelle les charges indirectes sont imputées bien avant l’élaboration des coûts de revient. Grâce à l’ABC, les décisions d’imputation des coûts se prennent en toute transparence. Elles s’appuient sur l’observation du terrain et non sur de la théorie. Ainsi, si le responsable du service conteste le mode de répartition de l’activité Entretenir surface, il peut le faire clairement. Avec la comptabilité analytique traditionnelle, il n’aurait même pas eu accès à l’information.

Le chef de service dispose maintenant d’informations importantes pour l’aider définir sa politique d’achat, fixer le prix pour la sous-traitance et étudier les futures propositions concurrentielles. Bien entendu le choix entre faire ou faire faire va dépendre également du coût d’autres processus tels que l’approvisionnement : le recours à l’usage unique entraîne mécaniquement un accroissement du nombre de commandes, ou que le traitement des déchets.

 

3 La supériorité de la méthode ABC/ABM.

Notre volonté a été d’expliquer par l’exemple, le concept ABC/ABM et de démontrer sa supériorité chaque fois qu’un responsable s’interroge sur l’efficience et le coût de son organisation.

Si l’on s’en tient au contrôle de gestion, ABC a de nombreux avantages par rapport à la comptabilité analytique traditionnelle. Il permet d’appréhender l’organisation dans sa transversalité. Sans doute plus qu’ailleurs, la transversalité est une nécessité pour les hôpitaux, où de très nombreux services ou unités concourent directement ou indirectement aux soins (pris au sens le plus large). C’est aussi une des bases de l’architecture du référentiel de l ‘accréditation. Connaître le coût d’un processus est difficilement accessible à la comptabilité analytique traditionnelle alors qu’ABC est conçu pour cela. On peut connaître le coût d’un acte médical complexe avec une fiabilité plus grande que celle procurée par les autres méthodes.

Le calcul du coût de revient par la méthode ABC est plus proche de la réalité économique, notamment en ce qui concerne le retraitement des charges indirectes. Ces charges correspondent en effet à des ressources consommées par des activités de soutien, sources de valeur ajoutée, qui ne sont pas moins importantes que les activités principales et qu’il faut absolument maîtriser.

La méthode est pragmatique. On peut l’appliquer à un secteur ou un processus particulier, quitte à la généraliser plus tard. On peut l’utiliser de façon rétrospective (comme nous l’avons fait ici) ou prospective sur une période limitée, (par exemple un ou deux mois). Ainsi des décisions rapides peuvent être prises, au plus près de l’actualité de l’entreprise.

ABC parle un langage simple, celui de l’activité, c’est à dire du métier des opérationnels. Ainsi, on peut, si on le désire, et s’il y est préparé psychologiquement, faire participer le personnel à la compréhension de la formation des coûts et à la recherche des solutions pour les optimiser.

ABC établit un diagnostic économique qui ne serait qu’un exercice académique si aucune décision ne s’ensuivait. C’est le rôle du management par activité (ABM) qui vise à apporter à l’organisme toutes les dimensions de la performance et notamment celle de l’économie. On a vu dans l’exemple décrit qu’un certain nombre de décisions sont déjà suggérées et que d’autres seront élaborées après une analyse plus approfondie. Au travers de l’analyse de la valeur ajoutée des activités et des processus, ABM rapproche l’hôpital de ses clients.

Enfin, ABC/ABM constitue un outil performant pour piloter les démarches d’amélioration continue de la qualité, pour faciliter les changements de stratégie et de comportement dans l’entreprise. Dans le cadre d’ABM, les démarches qualité prennent enfin une dimension économique.

Et pour finir sur un aspect non négligeable : la rapidité de mise en œuvre et le faible coût de la méthode. Le travail réalisé sur la stérilisation s’est étalé sur trois mois, a mobilisé 11 jours/homme dans le service et 6,5 jours de consultant externe.

En conclusion, la gestion par activité nous paraît avoir un bon avenir dans les hôpitaux, car elle va dans le sens des préoccupations actuelles qui sont à la fois d’ordre économique, de l’assurance de la qualité et de la réduction des risques.